Un panel de cultures protéiques 

La définition des cultures protéiques n’est pas claire, car toutes les plantes contiennent des protéines et leur teneur peut augmenter en fonction de leur traitement, par exemple après l’extraction de l’huile. Pour choisir les cultures, nous nous sommes basés sur nos recherches, sur des interviews de personnes du secteur, sur leur importance en Suisse et sur l’intérêt des agriculteurs.

Représentation descriptive des cultures ayant une teneur en protéines intéressante avec une surface correspondante en hectares en 2021 pour l’alimentation animale et humaine et intérêt pour le marché (estimation). *Données sur le sorgho et le chanvre en 2020

Le graphique ci-dessus montre différentes grandes cultures annuelles susceptibles d’être utilisées comme plantes protéiques. Il montre les surfaces respectives cultivées en Suisse (à des fins d’alimentation animale et humaine) ainsi que la demande du marché. Cette évaluation qualitative des cultures les plus intéressantes pour la production et la transformation résulte de recherches et d’interviews. Les cultures présentant peu d’intérêt pour le marché n’ont pas été prises en compte.

Pour ces cultures, la production, les quantités importées ainsi que les prix des cinq dernières années sont analysés. De plus, un aperçu de l’importance de cette culture en Suisse est donné, s’il s’agit d’une nouvelle culture en Suisse et quels produits peuvent en être issus. Dans cette publication, nous n’aborderons pas les thèmes agronomiques et techniques de la production de différentes plantes.

De nombreuses cultures présentées ci-dessous sont actuellement cultivées principalement à des fins fourragères. Il est donc difficile pour l’instant de calculer la rentabilité exacte à des fins alimentaires. Mais de manière générale, la rentabilité des légumineuses à graines est inférieure à celle du blé ou de la betterave sucrière, par exemple.

Nous essayons d’indiquer une valeur indicative pour les produits que nous analysons. Mais comme il s’agit souvent d’exploitations pionnières en Suisse, le prix est souvent négocié entre les parties et il n’existe pas de prix indicatif.

L’avoine ne fait pas partie des légumineuses, mais elle est souvent utilisée comme substitut du lait sous forme de boisson à l’avoine, dont la teneur en protéines est faible par rapport à celle du lait de vache. C’est pourquoi la question de savoir si les boissons à base d’avoine doivent être classées comme source de protéines ou non fait souvent l’objet de débat. C’est pourquoi nous avons décidé d’inclure l’avoine dans notre analyse.

Même si les substituts du lait à base d’avoine rencontrent un succès croissant auprès des consommateurs et que des transformateurs suisses produisent désormais des boissons et des yogourts à base d’avoine, l’agriculture suisse ne ressent encore guère cette demande. En raison des difficultés de production et des prix peu intéressants de l’avoine alimentaire, la production nationale d’avoine alimentaire est très faible et la majeure partie de l’avoine est cultivée à des fins fourragères.

Il existe toutefois un contingent tarifaire pour l’importation d’avoine alimentaire et un supplément céréalier est versé pour l’avoine alimentaire et fourragère. Malgré cela, le taux d’autosuffisance en avoine alimentaire n’est actuellement que d’environ 10% ; la production nationale a toutefois augmenté ces dernières années, comme le montre le tableau ci-dessous. Afin d’encourager la production, Fenaco soutient les producteurs par le biais de cultures sous contrat et d’un supplément à l’avoine fourragère, pour autant qu’ils remplissent certaines conditions telles que l’utilisation de variétés recommandées, une teneur en eau de 14,5% maximum et 2% d’impuretés.

Pour l’avenir, on peut s’attendre à une évolution positive de la demande en avoine alimentaire. Il existe déjà des transformateurs, petits et grands, qui utilisent de l’avoine suisse pour la fabrication de leurs boissons à base d’avoine, et il est probable que d’autres transformateurs se lanceront à l’avenir.

Comme le montre le tableau ci-dessous, la production d’avoine alimentaire a doublé au cours des cinq dernières années pour atteindre plus de 2000 tonnes en 2021. Le prix à l’importation, sans distinction entre avoine bio et conventionnelle, est de 300 CHF/tonne, alors que le prix indicatif de l’avoine alimentaire bio en Suisse est de 870 CHF/tonne.

AnnéeSurface de production CH (ha)Production totale CH (t)Rendement (t/ha)Production destination alimentaire CH (t)Dont bio alimentaire (t)Quantité importée alimentaire (t)Importation prix CHF/t Speise% CH vs importation (alimentaire)
2017189910 2105,38108025 5632884.22
2018162882565,07113525 8063214.40
2019171396465,63296223 36433112.68
2020179389054,97240042322 89030710.48
2021190073083,842060166422 9212978.99
Tableau 1 Avoine

Le Soja (Glycine max) est utilisé depuis longtemps comme source de protéines, surtout dans les pays asiatiques, et différents produits comme le tofu, le tempeh ou le lait de soja sont fabriqués à partir de cette plante depuis des siècles.

Le soja est également cultivé en Suisse depuis des décennies et, depuis 1981, la station de recherche fédérale Agroscope effectue également des essais de sélection avec le soja, ce qui a permis de créer des variétés adaptées aux conditions suisses.

Jusqu’à présent, le soja était surtout cultivé en Suisse pour l’alimentation animale, mais la culture du soja alimentaire se développe depuis quelques années et 729 tonnes de soja alimentaire ont déjà été produites en 2020. Le tofu et le lait de soja sont également de plus en plus appréciés en Suisse et il existe désormais de nombreux fournisseurs qui produisent du tofu à partir de soja suisse.

Les petites entreprises spécialisées dans la fabrication du tofu, qui produisent du tofu à partir de soja indigène ou importé, sont généralement de petites productions qui commercialisent le produit final directement ou par le biais de petits magasins. Mais on trouve également du tofu à base de soja indigène sous les marques des grands distributeurs.

Même si la production en Suisse fonctionne bien et que la teneur en protéines du soja est l’une des plus élevées du monde végétal, le soja a une mauvaise réputation liée à la déforestation en Amazonie et est même boudé par certaines entreprises. Bien que la production en Suisse n’ait rien à voir avec la déforestation, il faut encore beaucoup de communication pour le faire comprendre aux consommateurs. En outre, le soja est considéré d’un œil critique par de nombreuses industries alimentaires, car il est un allergène.

Le prix est d’environ 1000 CHF/tonne pour le soja comestible importé (bio et conventionnel), alors que le prix indicatif du soja comestible bio suisse est de 2200 CHF/tonne. Le soja fourrager bio suisse se négocie quant à lui à 1420 CHF/t.

AnnéeSurface de production CH (ha)Production totale CH (t)Rendement (t/ha)Production destination alimentaire CH (t)Dont bio alimentaire (t)Quantité importée alimentaire (t)Importation prix CHF/t Speise% CH vs importation (alimentaire)
2017169556423,3303673984Pas possible
2018180137402,08033111006Pas possible
2019172153503,11031071033Pas possible
2020203252472,587297292841102324
2021224253722,40Données pas disponiblesDonnées pas disponibles31391100Données pas disponibles
Tableau 2 Soja

Les pois chiches (Cicer arietinum) sont originaires du bassin méditerranéen. En Suisse, la culture des pois chiches en est encore à sa phase pionnière ; l’intérêt pour cette culture a toutefois nettement augmenté ces dernières années.

Agroscope mène depuis 2017 des essais variétaux et culturaux sur les pois chiches. Selon l’institut de recherche, la culture est en principe possible en Suisse, mais le choix des variétés est important. Il existe différentes variétés provenant du monde entier mais en principe, les pois chiches peuvent être divisés en 2 types : le desi et le kabuli, qui se distinguent par leur taille, la couleur de leurs fleurs et leur morphologie. La différence la plus importante est toutefois la couleur du tégument. Les desis ont une couleur de tégument plus foncée et sont plus petites que les kabuli dont la couleur de tégument est beige. Pour la vente directe et l’houmous, le type kabuli est le plus apprécié en Suisse, car le produit final a une couleur homogène et ne laisse pas de morceaux noirs, ce qui créerait un fort contraste de couleur non souhaité.

Les pois chiches sont de plus en plus demandés, notamment parce que le houmous a connu un véritable boom. L’intérêt pour cette culture est grand, car les pois chiches permettent de fabriquer une large palette de produits, des plus simples aux plus élaborés. Ils sont également intéressants pour la vente directe, car les pois chiches séchés peuvent être vendus sans transformation particulière.

En Suisse, la culture est encore relativement récente, c’est pourquoi il n’existe pas de données fiables sur la production en Suisse, que ce soit en termes de surface cultivée ou de prix de vente. Les exploitations qui cultivent actuellement des pois chiches sont pour la plupart des essais et la récolte est commercialisée elle-même, non transformée ou transformée. Pour l’instant, la production n’est pas suffisante pour la transformation par de grands transformateurs.

Les données sur l’importation de pois chiches pour l’alimentation dans le tableau suivant montrent que l’importation moyenne varie entre 1500 et 2000 tonnes par an, avec un prix moyen entre 1250 et 1750 CHF / t au cours des 5 dernières années (prix moyen bio et conventionnel). Il n’existe actuellement aucun prix indicatif pour les pois chiches suisses, car la production est encore trop faible.

De plus, il faut savoir que la quantité importée ne comprend que les pois chiches non transformés. Le houmous, par exemple, actuellement très populaire, n’est pas inclus dans ces statistiques s’il est importé sous forme de produit fini.

AnnéeSurface de production CH (ha)Production totale CH (t)Rendement (t/ha)Production destination alimentaire CH (t)Dont bio alimentaire (t)Quantité importée alimentaire (t)Importation prix CHF/t alimentaireImportation prix CHF/t alimentaire
201712781755.78
201833111006
201931071033
202028411023
202131391100
Tableau 3 Pois chiches

Les lentilles ont longtemps été cultivées en Europe, surtout dans le sud de l’Allemagne. En Suisse, elles sont cultivées exclusivement pour l’alimentation humaine. Il existe une grande variété de couleurs et de types de lentilles, mais les plus connues sont les variétés vertes, béluga, brunes et orange.

La production est passée de moins de 100 tonnes en 2017 à 178 tonnes en 2021, la totalité de la production étant destinée à l’alimentation humaine. Les importations ont également visiblement augmenté, comme le montre le tableau ci-dessous. Aucune tendance n’est toutefois perceptible en ce qui concerne le prix des importations. La Suisse est dépendante des importations, car le taux d’autoapprovisionnement en lentilles se situe entre 5 et 7%.

Selon Biofarm, le rendement en CH en qualité bio est d’environ 0,8 – 1,2 t/ha, mais peut varier du manque de rendement à 2 t/ha. Le prix moyen des lentilles bio suisses est de 4500 CHF/t (nettoyées et séchées à 13% H20), ce qui correspond à un chiffre d’affaires de 3600 à 5400 CHF par hectare.

Aucune contribution extenso n’est actuellement versée pour les lentilles.

AnnéeSurface de production CH (ha)Production totale CH (t)Rendement (t/ha)Production destination alimentaire CH (t)Dont bio alimentaire (t)Quantité importée alimentaire (t)Importation prix CHF/t alimentaire% CH vs importation (alimentaire)
201781941,1694295618623.18
20181001101,10110279518233.94
20191301361,05136280817044.84
20201351320,9813254392715723.36
20211831780,9717865 340917525.22
Tableau 4 Lentilles

Les pois protéagineux (Pisum sativum), lorsqu’ils sont vendus écossés, sont également appelés pois jaunes dans le commerce. En Suisse, ils sont principalement utilisés pour l’alimentation animale. Bien que le pois soit l’une des plus anciennes plantes cultivées et qu’il ait été une importante source de protéines en Suisse également, il est tombé dans l’oubli. Avec l’essor de la cuisine végétalienne, il est à nouveau mieux connu. Les substituts de viande, notamment, sont souvent fabriqués à partir de pois jaunes, en plus du soja. Planted fabrique par exemple des substituts de viande à base de pois. Les substituts de viande, notamment, sont souvent fabriqués à partir de pois jaunes, en plus du soja. Planted fabrique par exemple des substituts de viande à base de pois.

Les pois protéagineux ainsi que les lupins et les féveroles se distinguent des autres produits parce qu’ils sont peu connus des consommateurs finaux. Ils ne sont que rarement utilisés dans la cuisine suisse, de sorte que leur marché en tant que produit non transformé est pratiquement inexistant.

Pour l’industrie alimentaire, en revanche, la situation est très différente et l’intérêt est grand. Leur culture est déjà adaptée au climat suisse, et leur rendement ainsi que leur teneur en protéines sont très intéressants. Cela s’explique par le fait que ces plantes sont déjà cultivées depuis des années pour la production d’aliments pour animaux et que les recherches et les adaptations nécessaires ont donc déjà été faites.

La surface de production de pois protéagineux a légèrement diminué au cours des dernières années. L’importation de pois de consommation a toutefois eu tendance à augmenter. Lors de l’importation, il n’y a pas de séparation entre les pois jaunes bio et conventionnels.

Le prix indicatif de Bio Suisse pour les céréales fourragères est de 930 CHF/t avec 50 CHF de contribution de compensation, tandis que le prix des marchandises importées (comestibles) se situe entre 1050 et 1450 CHF/t.

AnnéeSurface de production CH (ha)Production totale CH (t)Rendement (t/ha)Production destination alimentaire CH (t)Dont bio alimentaire (t)Quantité importée alimentaire (t)Importation prix CHF/t alimentaire% CH vs importation (alimentaire)
2017410914 3613,49 15801087,88 
2018389112 4793,2112731420,68Pas possible
2019355013 3093,759431404,10Pas possible
2020357310 6422,9815371250,50Pas possible
2021344282472,4014841442,09Pas possible
Tableau 5 Pois protéagineux

Dans notre pays, la féverole Vicia faba (également appelée fève) était autrefois la principale légumineuse et était surtout consommée par les classes les plus pauvres qui ne pouvaient pas s’offrir de viande. Elle était consommée fraîche ou séchée, dans des ragoûts ou transformée en farine dans le pain. Jusqu’au 20e siècle, elle a été supplantée par d’autres aliments de base, puis a presque totalement disparu. Grâce à son ancrage historique en Suisse, elle a été inscrite au patrimoine culinaire suisse en 2022[1]. Différents projets (par exemple Pro Specie Rara [2]) redonnent un coup de fouet à la féverole.

En Suisse, la culture de la féverole est aujourd’hui très largement destinée à l’alimentation animale. Comme la féverole a des propriétés intéressantes pour l’alimentation humaine, elle est de plus en plus utilisée dans la cuisine végétalienne et végétarienne. En principe, la féverole pourrait toutefois être utilisée, comme les pois protéagineux, pour des substituts de viande ou d’autres produits, pour lesquels les étapes de transformation font encore partiellement défaut.

La production de féverole à des fins fourragères a diminué ces dernières années et les quantités importées sont plutôt modestes. Elle est cependant adaptée au climat suisse et pourrait être une bonne alternative pour d’autres légumineuses.

Les prix indicatifs de Bio Suisse sont de 800 CHF/t pour les féveroles fourragères avec 30 CHF de contribution de compensation [3]. Le prix à l’importation de la féverole de consommation a nettement augmenté ces dernières années et s’élevait à 2900 CHF/t en 2021.

Pour les importations, il n’y a pas de distinction entre la féverole bio et la féverole conventionnelle.

AnnéeSurface de production CH (ha)Production totale CH (t)Rendement (t/ha)Production destination alimentaire CH (t)Dont bio alimentaire (t)Quantité importée alimentaire (t)Importation prix CHF/t Speise% CH vs importation (alimentaire)
2017103930242,91551882 
2018100326142,61512043Pas possible
2019100231633,16282228Pas possible
202095719302,02692092Pas possible
202171615972,23 472918Pas possible
Tableau 6 Féverole

[1] https://www.patrimoineculinaire.ch/Produkt/Ackerbohne/472

[2] https://www.prospecierara.ch/de/projekte/projekte-detail/projekt/ackerbohnen-wiederentdecken-und-verarbeiten.html

Actuellement, la culture du lupin en Suisse se limite principalement aux cultures fourragères. S’y ajoutent de petites surfaces qui sont également destinées à l’alimentation humaine, mais qui n’apparaissent pas dans les statistiques officielles. Contrairement à d’autres légumineuses, le lupin se prêterait pourtant bien à la culture en Suisse car, contrairement au soja par exemple, il supporte le gel ; c’est pourquoi on le surnomme souvent « le soja du Nord ».

Les lupins sont souvent divisés en lupins blancs et lupins bleus, les deux convenant à l’alimentation humaine. Les variétés blanches ont des teneurs en alcaloïdes plus faibles que les bleues, mais elles sont plus sensibles à l’anthracnose.

Lupin Seeds

Les lupins contiennent des alcaloïdes amers, mais la sélection du 20e siècle a permis d’obtenir des variétés presque exemptes d’alcaloïdes. Ces variétés sont appelées « lupins doux » et sont utilisées aussi bien pour l’alimentation humaine que pour l’alimentation animale (grains concassés). Malgré cela, les alcaloïdes restent un réel problème pour la production d’aliments destinés à la consommation humaine et il n’existe actuellement aucune limite légale.

Les lupins contiennent tous les acides aminés essentiels et sont donc de plus en plus appréciés, notamment dans l’alimentation végétalienne. Ils peuvent être transformés en pâte à tartiner épicée, en substitut d’œuf dans les produits de boulangerie (farine), en substitut de « bolognaise » (gruau), en substitut de viande (transformée, extrudée), en sauce d’assaisonnement fermentée et, grillés et moulus, en substitut de café décaféiné. Actuellement, de nouveaux produits à base de lupin sont créés en permanence, surtout en Allemagne et en Autriche.

Les prix indicatifs de Bio Suisse sont de 1310 CHF/t pour le lupin fourrager avec 320 CHF de contribution d’encouragement, tandis que les prix à l’importation ne sont pas disponibles.

Lors de l’importation, il n’y a pas de distinction entre le bio et le conventionnel.

AnnéeSurface de production CH (ha)Production total CH (t)Rendement (t/ha)Production destination alimentaire CH (t)Dont bio alimentaire (t)Quantité importée alimentaire (t)Importation prix CHF/t Speise% CH vs importation (alimentaire)
20171153583,11Pas de donnéesPas de données 
20181634692,87Pas de donnéesPas de donnéesPas possible
20191625503,39Pas de donnéesPas de donnéesPas possible
20202105002,38Pas de donnéesPas de donnéesPas possible
20213046192,04Pas de donnéesPas de donnéesPas possible
Tableau 7 Lupin