Agriculture et changement climatique
Le changement climatique représente un défi majeur pour l’agriculture. La hausse des températures, les modifications des régimes de précipitations, l’émergence de nouvelles maladies et ravageurs ainsi que les événements météorologiques extrêmes influencent les rendements, la qualité des sols et la disponibilité en eau. Dans le même temps, l’agriculture contribue elle-même aux émissions de gaz à effet de serre et donc au réchauffement climatique. Une agriculture durable et adaptée au climat est donc essentielle pour limiter le réchauffement climatique et garantir la sécurité alimentaire à l’avenir.
L’atmosphère fonctionne un peu comme les parois d’une serre. Par temps clair, elle laisse passer la majorité des rayons du soleil, ce qui réchauffe la surface terrestre. Ce réchauffement entraîne l’émission de rayons infrarouges à ondes longues par le sol, dont une partie est retenue par l’atmosphère – en particulier par des gaz à effet de serre comme la vapeur d’eau et le CO₂, naturellement présents dans l’air (effet de serre naturel).

Depuis l’ère industrielle, l’homme consomme des combustibles fossiles (gaz, charbon, pétrole) et pratique une agriculture plus intensive. Cela entraîne une accumulation accrue de gaz à effet de serre comme le CO₂, le méthane et le protoxyde d’azote dans l’atmosphère, renforçant l’effet de serre de manière problématique (effet de serre anthropique).
La Suisse, en tant que pays continental et de montagnes, est particulièrement touchée par l’augmentation des températures, car les masses terrestres se réchauffent généralement plus vite que les océans. En 2025, l’augmentation moyenne de la température en Suisse atteint déjà +2,9°C depuis l’époque préindustrielle, contre 1,5°C au niveau mondial.
Informations complémentaires
→ MétéoSuisse : Climat (site externe)
L’agriculture dépend fortement du climat et des conditions météorologiques, ce qui la rend particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique. Parmi les huit effets du changement climatique déjà observés en Suisse, tous ont une influence directe ou indirecte sur la production agricole :

Illustration : Changements climatiques majeurs en Suisse selon les données d’observation. (OFEV/MétéoSuisse, 2020 ; mis à jour et adapté). Source: MétéoSuisse
D’ici 2050, d’autres changements climatiques sont à prévoir :
- Périodes de sécheresse prolongées
- Augmentation de l’intensité des précipitations extrêmes
- Davantage de journées de chaleur critique en été
- Propagation accrue et multiplication des agents pathogènes et ravageurs
- Allongement de la période de végétation
(Source : Office fédéral de l’agriculture OFAG)
Si nous parvenons à limiter le réchauffement climatique, ces changements seront moins marqués. Plus le climat se réchauffe, plus les modifications seront importantes. Là encore, la production agricole est particulièrement concernée par ces évolutions.
Informations complémentaires
→ Changement climatique – MétéoSuisse (site externe)
→ NCSS Principes de base du climat (site externe)
La production agricole de denrées alimentaires émet principalement trois gaz à effet de serre qui contribuent au renforcement de l’effet de serre :
- Dioxyde de carbone (CO₂) : émis principalement par l’utilisation de machines agricoles, la production d’engrais et le transport.
- Méthane (CH₄) : provient de l’élevage des bovins (fermentation entérique) et du stockage des engrais de ferme.
- Protoxyde d’azote / oxyde nitreux (N₂O) : surtout émis par l’utilisation d’engrais (minéraux ou organiques), le stockage des engrais de ferme et la décomposition microbienne de l’azote dans les sols.
En 2023, la production agricole représentait 16 % des émissions nationales de gaz à effet de serre en Suisse, la plus grande part étant due aux émissions de méthane provenant des ruminants (fermentation entérique) et à la gestion des engrais de ferme (source: OFEV).

Info: Outre les gaz à effet de serre, l’agriculture émet également des particules atmosphériques. Ces particules sont des substances polluantes solides et/ou liquides en suspension dans l’air. Des précurseurs tels que l’ammoniac (NH₃) y contribuent également. Les particules fines qui en résultent peuvent nuire à la qualité de l’air et à la santé humaine. L’excès de dépôts d’ammoniac dans l’environnement peut entraîner une acidification et une eutrophisation des milieux naturels. Une partie de l’ammoniac émis est transformée en protoxyde d’azote (N₂O).
En 2024, plus de 90 % des émissions d’ammoniac en Suisse provenaient du secteur agricole. (Source: Rapport agricole 2024 – Émissions d’ammoniac).

Si certaines émissions de gaz à effet de serre peuvent être réduites grâce à des mesures pratiques en agriculture, d’autres nécessitent des changements fondamentaux dans les habitudes de consommation. Puisque l’agriculture fournit l’énergie nécessaire à l’alimentation humaine, certaines émissions – notamment issues de processus biogènes – ne peuvent pas être complètement évitées.
Les différents gaz à effet de serre ont un impact variable sur le réchauffement climatique et restent dans l’atmosphère pendant des durées différentes. Le dioxyde de carbone (CO₂) s’accumule dans l’atmosphère sur de très longues périodes, mais son effet réchauffant par unité est relativement faible. Le méthane (CH₄) et le protoxyde d’azote (N₂O) ont une durée de vie nettement plus courte, mais un potentiel de réchauffement beaucoup plus élevé.
Pour rendre ces différences comparables, les émissions sont souvent exprimées en équivalents CO₂ : c’est-à-dire la quantité de CO₂ qui aurait le même effet de réchauffement qu’une certaine quantité d’un autre gaz à effet de serre sur une période définie (généralement 100 ans).
Ainsi, pour évaluer les émissions de gaz à effet de serre et planifier des mesures de réduction, il est essentiel de prendre en compte à la fois la durée de vie dans l’atmosphère et le potentiel de réchauffement.

Le GWP100, le GWP20 et le GWP* sont des méthodes utilisées pour mesurer l’impact d’un gaz à effet de serre (GES) sur le réchauffement climatique, mais elles diffèrent dans leur approche :
- GWP100 est actuellement la méthode la plus couramment utilisée pour mesurer le potentiel de réchauffement des GES. Elle évalue l’effet climatique sur une période de 100 ans, en supposant un effet constant dans le temps. Cette approche est adaptée aux gaz à longue durée de vie comme le CO₂. En revanche, elle sous-estime l’impact à court terme des gaz à courte durée de vie, comme le méthane, et surestime leur impact à long terme, car le méthane se dégrade rapidement dans l’atmosphère.
- GWP20, comme GWP100, repose aussi sur un effet constant, mais sur une période plus courte de 20 ans. Cela met davantage en lumière les effets climatiques à court terme et les leviers d’action rapides. Dans cette approche, le méthane apparaît comme ayant un impact climatique encore plus élevé qu’avec GWP100 (valeur de GWP20 pour le méthane : environ 81).
- GWP* prend en compte la dégradation des émissions dans le temps. Cette méthode est particulièrement utile dans les scénarios de neutralité carbone, car elle reflète de manière plus réaliste l’impact des émissions à long terme. GWP* représente mieux l’effet des émissions de méthane que GWP100, puisqu’il considère l’évolution dynamique des émissions et leur décomposition. Toutefois, GWP* présente aussi des désavantages : il est plus complexe, moins intuitif à modéliser et comporte un risque de mauvaise interprétation.
Le choix de la métrique de conversion dépend de la question posée : pour évaluer l’effet climatique des impulsions d’émission, GWP20 et GWP100 sont appropriés – GWP20 pour une vision à court terme, GWP100 pour les effets à long terme. Pour les trajectoires de réduction des émissions et les objectifs de température, GWP* permet une représentation plus adéquate de l’effet réel des gaz à effet de serre. (Source: étude SCNAT sur les métriques GWP)

Le méthane (CH₄) est un gaz à effet de serre puissant et à courte durée de vie. Il est produit lors de la minéralisation de matière organique par des bactéries méthanogènes, en absence d’oxygène (conditions anaérobies). Sur une période de 100 ans, le méthane a un potentiel de réchauffement global (GWP) de 27 – ce qui signifie qu’une unité de méthane contribue 27 fois plus au réchauffement climatique qu’une unité de CO₂ – et il reste environ 12 ans dans l’atmosphère (GIEC/IPCC).
En Suisse, les émissions de méthane agricoles dépendent principalement du cheptel bovin. Entre 1990 et 2000, ces émissions ont diminué d’environ 9 %, et sont restées relativement stables depuis. Actuellement, 86,4 % des émissions de méthane en Suisse proviennent du secteur agricole (OFEV).
Principales sources agricoles de méthane :
- Fermentation entérique : Les émissions se produisent lors de la dégradation anaérobie (sans oxygène) de la matière organique digestible consommée par les animaux. La quantité de méthane produite dépend système digestif, de l’âge et du poids de l’animal, ainsi que de la qualité et de la quantité de la ration alimentaire. Les ruminants (bovins, ovins, caprins) sont les principaux émetteurs de méthane, tandis que les non-ruminants (porcs, chevaux) n’en produisent que des quantités modérées (GIEC/IPCC).
- Engrais de ferme : Les émissions proviennent de la gestion des déjections animales en bâtiment, durant le stockage, ou encore sur les pâturages, notamment en lien avec le lisier.
Deux conséquences majeures de la courte durée de vie du méthane (env. 12 ans) dans l’atmosphère :
- Stabilité climatique relative si les émissions restent constantes :
Tant que le niveau des émissions de méthane reste stable, son impact climatique demeure quasiment constant, car la quantité émise est proche de la quantité dégradée. - Effet climatique rapide en cas de réduction des émissions :
Réduire le taux d’émission de méthane permet une action climatique efficace à court terme, ce qui en fait un levier crucial pour atteindre les objectifs climatiques, notamment la limitation du réchauffement à +1,5 °C par rapport à la période préindustrielle (1850–1900).

Le protoxyde d’azote (N₂O) – également appelé gaz hilarant – se forme dans des environnements pauvres en oxygène, lorsqu’il y a présence de nitrite ou de nitrate. Sur une période de 100 ans, le N₂O présente un potentiel de réchauffement global (GWP) de 273 – ce qui signifie qu’une unité de N₂O contribue 273 fois plus au réchauffement climatique qu’une unité de CO₂ – et il reste en moyenne 121 ans dans l’atmosphère (GIEC).
Les émissions de N₂O dépendent principalement de la quantité d’engrais utilisée, qu’il s’agisse d’engrais organiques (fumier) ou d’engrais minéraux. Entre 1990 et 2000, ces émissions ont diminué, puis sont restées relativement stables depuis. En Suisse, 67,6 % des émissions de N₂O proviennent de la production agricole (OFEV)
Principales sources agricoles de protoxyde d’azote :
- Minéralisation de l’azote dans les sols, notamment lors de l’incorporation de résidus végétaux ou du retournement de prairies.
- Gestion des déjections animales (principalement fumier) en bâtiment, en stockage et sur les pâturages.
- Apport d’engrais organiques et minéraux.
- Lessivage de l’azote vers les milieux aquatiques.
- Résidus d’ammoniac (NH₃).

→ Fiche d’information AGRIDEA : GES issus de l’agriculture : CH₄ et N₂O
→ Fiche d’information AGRIDEA : Gaz et qualité d’air
→ Fiche d’information AGRIDEA : L’eutrophisation des milieux aquatiques
→ OFEV: Indicateurs de l’évolution des émissions de gaz à effet de serre en Suisse (site externe)
→ OFEV: Effet climatique des gaz à effet de serre et d’autres substances (site externe)